Corsica

J'ai bien regretté de n'avoir pu retrouver mes amis corses à l'occasion du dernier salon polar qui s'est tenu le week end du 14 juillet à Ajaccio. Cela fait 10 ans déjà que j'ai quitté l'ile. Je garde au coeur une nostalgie lumineuse faite de paysages somptueux de beauté et de sourires amicaux. Je m'abstiendrai ici d'évoquer le versant noir. J'espère que l'année prochaine les amis pourront monter leur festival en ayant obtenu le soutien financier nécessaire et que je pourrai cette fois-ci m'y rendre.
Durant mon séjour laborieux, j'ai amassé des "matériaux romanesques" que j'ai utilisés en partie dans mon roman Le jeu du lézard. Rien que pour vous, en voici un extrait qui doit se lire avec le sourire...

[…] Madame Pistocellu nous racontait des histoires de son invention. Je me souviens de ma préférée. Quand Dieu créa le monde, il commença par bâtir des continents et remplir des océans ; plus sa création avançait, plus il améliorait sa technique, il couronna son œuvre d'un superbe joyau. Pour ce faire, il choisit un endroit au milieu de la mer bleue, il modela un petit bout de terre, il y édifia des montagnes, des plaines, des rivages, il planta des végétations odorantes, il remplit la nature de rivières et de poissons, d'arbres et de fruits, d'oiseaux, de tortues, de cerfs… il chapeauta le tout d'un soleil agréable. Tout était magnifique : c'était le chef-d'œuvre de Dieu. Mais, des premières terres, des premiers pays sauvages, construits sans la perfection que donne l'expérience, s'élevèrent des protestations. Ce n'est pas juste ! entendait-on crier, cette île a tout du paradis terrestre et chez nous, on est malheureux, il fait trop chaud, il fait trop froid, la terre est aride, le vent tempête, la pluie inonde, la glace glace. La jalousie s'étendait partout sur la terre sauf sur cette île merveilleuse de beauté et de sérénité. La colère grondait. Le bon Dieu était triste et embarrassé car il voulait être juste et il lui était difficile de tout recommencer d'ici dimanche, ce septième jour qui marquait la fin de sa création. Il prit sa tête à deux mains, réfléchit beaucoup pour rendre justice aux récriminations et se repentit. Alors l'idée lui vint d'amoindrir le bonheur de cette terre si favorisée, il remplaça les insulaires heureux par d'autres habitants qui aussitôt se querellèrent gravement. Devant le spectacle navrant de chamailleries et de tueries qui le mirent en colère, il s'empressa de transporter le paradis dans un autre endroit de la planète mais, comme chacun sait, il n'eut pas davantage de satisfaction avec Adam et Eve. Quand vous y penserez, finissait-elle, dites-vous que Dieu n'eut jamais de chance pour avoir raté tant de choses.
Maman n'aimait pas les histoires de madame Pistocellu. Elle disait que l'institutrice inventait des fadaises qui germaient dans la tête des enfants pour en faire des radicaux-socialistes. […]