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Les amis du festival de Mauves en noir 2009 avaient demandé à chaque auteur invité de leur adresser une recette de son plat préféré. Chaque recette a été illustrée par un dessinateur de BD : Laudrain. Toutes les contributions ont été affichées lors des deux jours, sans le nom de leur auteur pour un quizz culinaire destiné au public.

Voici ma recette :

De la tripaille pour faire ripaille

D’abord, il n’est de bonnes tripes que de Normandie, de Caen pour être précis, capitale ducale du grand Guillaume conquistador, recette née en ce bon vieux temps où l’on s’étripait vaillamment et que le meilleur morceau était le gésier de son ennemi… la panse de saxons de préférence ! D’aucuns iconoclastes rajoutent de la sauce tomate, sans doute pour figurer le raisiné, mais ce sont là pratiques dégénérées rencontrées en des contrées au sud de la Loire. Les hérétiques de la tripe, pas de quartier !

D’abord, tu dégotteras un tripier qui blanchit la tripaille de bœuf durant des jours et des nuits dans ses baquets inondés d’eau fraîche ; il aura raclé les boyaux et les caillettes, bien qu’un restant de merde donne ce goût inimitable. Gras double ou triple, au diable l’avarice, de la fraise de veau, des pieds du même bestiau qui gélifiera la sauce onctueuse à en baver d’aise à l’avance, sans compter de l’oignon en quantité pour teinter la sauce et pour flatuler tout à loisir deux bons jours durant. La carotte en rondelles, aiguillettes ou carrés, tu rajouteras abondamment. C’est alors que ton talent d’artiste tripier s’exprimera, tu joueras de la palette des épices et tu déclineras le florilège des herbes en main : bouquet de thym, bouquet de persil, feuilles de laurier, clous de girofle, noix muscade, poivre, cannelle et gros sel. Et pour couronner le tout : les liquides divins à y adjoindre. Un litre carrément de vin blanc sec du pays Nantais et une copieuse rasade de cognac. On n’est pas des gonzesses, merde !

Tu disposeras le tout en couches alternées, dans une tripière ventrue en terre de Noron, avec les mêmes précautions que celles mises par les matrones pour allonger une jeune épousée sur son lit virginal avant l’assaut de son soudard de mari.


Comme tu as les meilleurs rapports du monde avec le boulanger de ton village, tu lui confieras la tripière qui mijotera pendant douze heures dans son four. Quand tu iras lui rendre visite au milieu de ce temps, tu rajouteras une demi-bouteille de Porto. Tu en profiteras pour lutiner la demoiselle de boutique… Cela fait partie de la recette évidemment.

Pour déguster ce trésor culinaire en compagnie de luronnes au teint vermillon et de gars francs et rigolards, tu auras préparé des pommes de terre roses, pelées et cuites au bouillon, tu auras disposé un pot de moutarde forte et débouché une bouteille du meilleur blanc. Un Macon village ou un Sancerre, mais mieux encore, un de ces petits vins verts et secs de la vallée du Loir ou un Muscadet sur lie d’une bonne maison. Tu n’oublieras pas pour dégraisser le boyau, après avoir saucé ta platée avec du bon gros pain paysan, de t’envoyer derrière la glotte un grand godet de vieux Calva. Aaaah ! la vache, c’était régalant…


 

L'original du dessin de Laudrain nous a été remis. Qu'il en soit remercié !

 

Echo


 

Cette édition du festival ayant pour thème Crime(s) de goût, placé désormais à la fin du mois d'avril, fut une réussite en tout point. Le public est nombreux et fidèle. L'équipe de passionnés qui organise la manifestion est extraordinaire d'allant et de sympathie. Mauves figure parmi les festivals de polar les plus conviviaux. 

Une anecdote véridique : un monsieur s'arrête devant ma table, fait courir son regard sur les couvertures, silencieux, puis déclare : "Ça je l'ai lu !" Silence, je m'attends à ce qu'il ait détesté, vu sa mine. Non, il poursuit : "J'ai adoré, je veux la suite..." Ouf ! Puis son regard se porte sur la pile de Balistique du désir : "Ça ! fantastique, je l'ai passé à mes amis, à la famille, même avis !" C'est le genre de réflexion qu'un auteur apprécie par-dessus tout. Un seul commentaire de cette nature, et votre ego est rechargé à mort...! Mais le plus beau, le voici : "Figurez-vous, continue-t-il, que ma fille a présenté le conservatoire* en ayant repris l'une de vos nouvelles, Les gnons, vous savez le monologue de la femme battue..." Je flotte, je décolle, j'hallucine... Je me dis que sa fille aurait pu me contacter avant, je suis "trouvable" sur le Net, mais ma joie est telle que je devais présenter le visage du ravi de la crèche. En lui donnant l'adresse de ce blog afin qu'il la transmette à son rejeton, je confirme que certaines de mes nouvelles sont des monologues intérieurs qui peuvent se prêter effectivement à une prestation scénique. Et il repart avec Les vieilles décences dédicacé sous le bras. Gageons que l'an prochain, si les malviniens me réinvitent, il sera autant laudateur...

Chère admiratrice et comédienne en devenir (je l'espère), si vous lisez ces lignes, contactez-moi car votre père ne m'a pas révélé le résultat de votre concours d'entrée...

 

Ma nouvelle La gaule à Mickey a été publiée dans le recueil collectif édité à l'occasion du festival Mauves en noir. Détail


 

* conservatoire d'art dramatique, je présume, mais lequel ?

Tag(s) : #C'était l'autre jour...
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